Produire son propre miel est le rêve de tout apiculteur. Avec un peu de patience, de pratique et d’expérience, c’est possible en apiculture naturelle.
Mais le miel ne doit pas être votre obsession en apiculture naturelle. Souvent, chez les apiculteurs, c’est la concours à la plus grosse récolte, celui qui tirera de ses ruches le plus de kilos : quitte à prendre presque toutes les réserves de la ruche, quitte à nourrir abondamment avec des sirops sucrés avant ou après, quitte à affaiblir ses colonies. Finalement, ces pratiques tendent, d’un point de vue économique, à augmenter ses coûts de production et affaiblir votre cheptel, et d’un point de vue écologique, ces pratiques sont à l’opposé du bien-être des colonies que vous hébergez.
Depuis que j’ai démarré en apiculture naturelle avec des ruches Warré, je m’astreins à suivre certaines règles simples : le modèle économique doit être viable pour l’apiculteur et le bien-être des abeilles doit être optimal. Le modèle économique ne peut être rentable que s’il ne représente pas une surcharge de travail et de coûts de fonctionnement, tout en assurant une production régulière permettant d’en retirer des bénéfices. Le bien-être des abeilles ne peut être respecté que si les colonies sont élevées dans des conditions favorables en adéquation avec l’environnement. Pour cela je cherche à me rapprocher au plus près, voir à dépasser dans certains cas, des normes strictes de production telles qu’elles sont définies par la norme Demeter pour l’apiculture – voir le chapitre 5.8 du cahier des charges Demeter concernant l’apiculture, une norme bien plus contraignante que celle du label Agriculture Biologique.
Ma récompense, ce sont des colonies d’abeilles en pleine forme, qui finalement, me demandent très peu de travail et d’interventions, surtout de l’observation, que je nourris rarement, plus par sécurité et par anticipation que par nécessité, et une récolte abondante de miel délicieux. Avec quelques années de recul, je me rends compte également que la petite ruche Warré tant décriée par certains est capable de produire autant de miel qu’une ruche plus grosse, conduite de façon conventionnelle. Tout est question de conduite, de compréhension des abeilles, d’expérimentations diverses et surtout de volonté de remettre en cause certaines pratiques apicoles.
Pour produire du miel, il faut bien comprendre la structure d’une ruche et le processus qui mène au miel.
Voici une ruche dans laquelle je viens d’installer un essaim et sa reine issus d’une autre de mes ruches. L’autre ruche va élever naturellement une nouvelle reine.
Le ‘a’ correspond au toit de la ruche, le ‘b’ correspond à la situation actuelle de l’essaim qui construit les rayon de cire sur de simples barrettes, ‘c’ permettra aux abeilles d’investir cet élément lorsque la place manquera dans ‘b’, ‘d’ est le vide sanitaire, en cas d’extension forte de la colonie, il sera lui aussi investi par les abeilles, mais généralement, je m’arrange toujours pour ajouter de la place avant afin de garder cet élément vide. ‘e’ est le plancher de la ruche, il est totalement grillagé. Il possède une ouverture comme ‘d’ afin que les abeilles puissent travailler. Les abeilles, gorgées de miel et dopées à la gelée royale, sont capables de travailler très vite. Au bout de 24 heures, elles ont commencé à construire les cires sur toutes les barrettes avant de se concentrer sur le haut de la ruche. C’est une course contre la montre, la reine doit recommencer à pondre et la nourriture doit être stockée.
Schématiquement, les abeilles stockent le miel sur le dessus et sur les côtés du nid. Juste en dessous du miel, elles stockent également un élément indispensable à leur survie, le pollen, source de leurs protéines, le miel leur assurant l’apport de glucides. Le miel et le pollen assurent ainsi une sorte de dôme protecteur tout autour du nid et permet aux abeilles d’accéder facilement aux réserves pour assurer leur nourriture et l’élevage des futures générations. Ce n’est que parce que les abeilles ont un instinct d’amassement fort, comme on peut le rencontrer chez d’autres hyménoptères comme les fourmis, que les réserves sont supérieures aux besoins de la colonie. C’est ce surplus que peut prendre l’apiculteur.
La ruche s’est développée, je ne touche pas au domaine réservé aux abeilles, je me contente d’ajouter de l’espace au dessus afin qu’elles puissent stocker du miel. Dans cette configuration, j’ai ajouté au dessus une demi-hausse destinée à me donner du miel de brèche et une hausse complète qui me donnera du miel. Comme je devais m’absenter plusieurs semaines, j’ai, par sécurité ajouté une autre hausse pour pallier un manque de place éventuel. En ruche Warré, il ne faut jamais que les abeilles se sentent à l’étroit, sinon dans le meilleur des cas, votre reine bloque sa ponte et dans le pire des cas, votre ruche essaime.
Tout est une question d’équilibre entre la place nécessaire pour élever les abeilles et la place nécessaire pour stocker les réserves. J’ai donc adopté une conduite mixte avec mes ruches Warré. En théorie, Lorsque le nid à couvain doit être agrandi, je place un élément vide à construire par en dessous et lorsque les réserves doivent être augmentées rapidement, je place un élément par le dessus. Afin de renouveler les cires qui se trouvent au milieu, je fais descendre le nid à couvain plus bas en ajoutant un élément en bas et je n’ajoute pas d’élément au dessus. Au fur-et-à-mesure que les abeilles construisent l’élément du bas, le nid à couvain se déplace vers le bas, tandis que l’élément du haut est nettoyé par les abeilles qui y stockent le miel. Lors de la récolte, les anciennes cires sont donc éliminées.
Dans la pratique, je leur donne beaucoup d’espace dès le début car la ruche peut atteindre une hauteur et un poids importants qui nécessiteraient l’emploi d’un élévateur.
L’apport en nectar, en eau et en pollen sont assurés par les abeilles butineuses. Si les ressources sont abondantes, la colonie se développera bien et la colonie produira beaucoup de miel, bien plus qu’elle n’en a besoin pour assurer sa survie.
La norme Apiculture Biologique impose l’utilisation de grilles à reine, tandis que la norme Demeter interdit son usage. Les grilles à reine sont des dispositifs destinés à empêcher la reine de venir pondre dans la hausse à miel. C’est une simple grille qui laisse passer les ouvrières mais empêche la reine de passer du fait de son abdomen plus gros. J’ai testé les 2 modèles qui existent, un modèle en métal et un autre en plastique redécoupé aux dimensions de mes ruches. Les 2 modèles fonctionnent bien mais restent malgré tout un petit frein à la libre circulation des abeilles. J’obtiens de meilleurs résultats en laissant les cirières investir l’élément à construire puis lorsque les chaines de cirières sont en place, en insérant la grille à reine. J’ai également testé sans grille à reine. Il est parfaitement possible de placer une hausse pour le miel sans que la reine ne vienne y pondre, il suffit de s’assurer que la reine dispose de rayons fraichement construit dans le nid à couvain, en insérant un élément par dessous, puis lorsque les constructions ont avancé, de placer sa hausse à miel au dessus du dernier élément construit en s’assurant que cet élément dispose d’un dôme de miel suffisamment important. La reine passe rarement sur le miel et il n’y a alors aucune raison pour qu’elle investisse le grenier destiné au miel.
Je suis l’avancement du remplissage de la hausse à miel par le dessus. Avec un peu d’expérience et d’observation, on comprend facilement où elles en sont et on peut prendre la décision de récolter ou non. Mes gros toits en bois me servent de marche-pied et me permettent d’avoir une vue plongeante. Si j’aperçois des chaines de cirières sur un côté, la hausse ne peut être récoltée, les constructions des rayons ne sont pas achevées. Si les constructions sont achevées mais que les alvéoles juste sous les barrettes ne sont operculées, le remplissage de la hausse n’est pas terminé et le miel n’est pas mûr, il l’est lorsque les abeilles dépose un petit bouchon de cire pour conserver le miel. Les hausses se remplissent généralement du bas vers le haut puis sur les rayons du milieu, puis sur les rayons latéraux, souvent situés en exposition la plus au sud pour terminer par les rayons latéraux situés à l’opposé. Si tout est operculé, la récolte peut avoir lieu. Parfois en fin de saison, on ne peut récolter qu’une partie, dans ce cas on redonne les rayons non operculés aux abeilles. Généralement je place l’élément contenant ces rayons en bas, les abeilles s’empressent de récupérer le nectar pour le consommer ou le transporter vers le haut.
Pour récolter mes hausses de miel, j’utilise un chasse-abeille. Celui-ci se monte sur un couvre-cadre aux dimensions de la ruche. Il en existe plusieurs modèles, j’utilise le modèle losange qui s’adapte parfaitement aux dimensions de ma ruche Warré. Le principe est très simple : on l’insère en dessous de la hausse à récolter, la veille, losange vers le bas. On ouvre le passage dans le couvre-cadre, et pour accentuer le phénomène, je pose une hausse vide puis je replace la hausse que je souhaite récolter. Le lendemain, la plupart des abeilles qui se sentent isolées du reste de la colonie ont déserté la hausse et ne retrouvent pas le chemin qui y mène en raison de l’étroitesse de l’ouverture. Seules quelques abeilles subsistent. La hausse est transportée dans son sac. Une fois éloigné de la ruche, j’ouvre le sac, les abeilles encore prisonnières trop contentes de voir la lumière s’envolent, les quelques récalcitrantes sont chassées avec une plume de buse. Le sac est alors refermé et transporté à la miellerie.
Si vous avez des colonies prospères et en pleine forme, vos abeilles ont butiné les fleurs et ont récupéré le nectar. Et elles ont fabriqué du miel. Maintenant, il va falloir passer à l’étape suivante : extraire votre miel, un temps fort gourmand et de pur bonheur en apiculture naturelle !